Une fois terminé avec ce besoin
irrépressible, elle relève culotte et pantalon et tire la chasse d’eau.
Elle se tiraille un peu avec le loquet mal fixé
et sort du cabinet. Se tournant vers le lavabo afin de se savonner les mains
comme on le lui avait appris à l’école primaire, ses yeux s’agrandissent à la
vue de l’espace qui apparaît dans le miroir fixé au mur devant elle. Rien à
voir avec le lieu d’il y a à peine quelques minutes, même son reflet en est
absent !
Elle a découvert un passage vers une autre
dimension, un espace-temps outre-terre, sinon elle a bel et bien perdu la
raison !
Dans le bleu profond d’un cosmos de
pacotille, éclairé de lanternes chinoises en guise d’étoiles, une femme se
tient, juste derrière elle. Elle est raide de hauteur et de maigreur, son teint est maladif, ses cheveux longs, légèrement bouclés sont échevelés, parsemés de
brindilles et de feuilles mortes. Elle grimace d’un air fâché, rageur, toutes dents
exposées, prédatrice sans scrupule. Sa robe, fendue de
bas en haut, expose sa cuisse à la manière des chasseresses antiques, une
mince bande de cordelettes tressées enserrant la taille de sa longue toge. La
matière dont elle est issue ne comporte aucune veine, aucune tache, c’est
lisse, plat, uni comme une nuit sans lune. Elle parle alors que sa bouche ne bouge pas. Les mots, de langue inconnue, sont pourtant compréhensibles… Nous devons
changer, nous devons sauver le monde, c’est maintenant ou jamais, autrement,
elle nous anéantira tous, elle ne nous laissera pas la détruire.
La jeune femme cligne des yeux de surprise et, quand elle les rouvre, le miroir a repris son
allure habituelle, son reflet est bien là, flottant sur un mur d’un blanc douteux,
ses traits fatigués ne laissant aucun doute sur la réalité d’une vie des plus
ordinaire, farcie de métro, boulot, dodo. L’espace est redevenu ce qu’il était,
une salle de toilettes publiques à la propreté douteuse. Tout ça n'a duré qu'un très court moment, l'espace d'une micro-seconde, assez pour douter de la véracité de cette vision.
Troublée, la femme ressent le besoin de s’impliquer, de se mettre au travail pour que la justice et la paix règnent enfin sur notre monde, pour que le respect des lieux et des êtres se fassent enfin. Dans cet endroit où habituellement les djinns malins font leur nid, elle a rencontré sa spiritualité, son éveil tout personnel à une vie intérieure, sensible, loin de l’or et de l’argent, loin de la myrrhe et de l’encens, elle a rencontré la nature elle-même et celle-ci veut vivre.
Une volonté de mieux être élargi à toute son espèce fait jour en elle. Elle sort de là, le sourire aux lèvres, pleine d'un espoir nouveau, convaicue de tenir enfin un bout de réponse au mystère du monde.
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Image par David de Pixabay |
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