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Messages

Affichage des messages portant l'étiquette Femmes

Hautes en couleurs

 Ces filles sont folles, ce sont des sorcières, des satanistes. La preuve, on raconte qu’ elles ont chanté nues dans la cathédrale orthodoxe du Christ-Sauveur à Moscou pour protester contre dieu! Elles s’en prennent à tout ce qui fait la grandeur de leur pays. Elles sont lesbiennes, ne croient pas aux vertus de la famille  traditionnelle, portent des vêtements de couleurs dépareillées et leurs visages sont camouflés par des balaclavas de laine. Elles sont des traitres à leur nation, et veulent la fin de la Russie, selon les documents officiels, ceux de la police, bien entendu. Pour les autres, ceux qui les connaissent un peu mieux, elles sont de jeunes femmes courageuses, proclamant une vision moderne et fėministe du monde, un monde qui n’a pas encore compris que les guerres et les injustices sont choses du passé. Elles sont des activistes politiques convaicues, des amazones contemporaines, des furies vengeresses, des voix qui s’ėlèvent en un immense cri pour s’exprimer à la place de c

Chanson triste

Le micro Jour 3 Writever de janvier Les murs de la salle de spectacle peinent à contenir la foule. Les admirateurs de Claudine sont venus en grand nombre pour applaudir son nouveau tour de chant.   Elle a connu un énorme succès partout dans le monde et revient finalement dans sa ville natale pour donner un concert dont les bénéfices iront à un refuge pour femmes victimes de violence. La cause lui tient à cœur puisqu’elle-même a connu des difficultés lors d’une liaison avec un autre chanteur trop jaloux de son succès. L’exposition au grand jour des abus commis par cet homme a définitivement tué une carrière prometteuse, les admirateurs de la chanteuse n'ayant pas le pardon facile.   Le coupable a disparu du milieu de la scène pour se recycler dans un métier moins valorisant, vendeur de téléphones cellulaires pour une grosse boîte connue. On comptait sur sa figure avenante pour augmenter les ventes, mais c’était oublier la vindicte populaire qui eut tôt fait de le confronter jusqu’

Cover girl

Elle en rêvait depuis si longtemps.   Toujours ces mots à la bouche: "Regarde-moi, regarde-moi". Jamais assez jolie, jamais assez performante à son goût, juste une jeune fille tout ce qu'il y a d'ordinaire. Ses insécurités la rendent agaçante, ses demandes constantes d'attention finissent par ennuyer tous ceux qui lui montrent un quelconque intérêt. Elle recommence donc, ailleurs, avec d'autres gens plus ou moins patients, "Regarde-moi"! Elle compte les "Like"sous ses publications sur toutes les plateformes possibles, se fait des colliers et des robes avec les commentaires positifs et oblique les autres d'un clic vengeur... bloqué, et voilà...regarde-moi, mais pour me dire que je suis belle, rien d'autre. Et un jour, son rêve se réalisa. La responsable des couvertures du somptueux magazine de mode Bogue se trouva conquise par ce visage atypique et lui proposa une séance photo avec le  grand Pietro Valancini, photographe de l&#

Trauma

TW - Abus sexuel et IVG -  Je suis partie très tôt, seule malgré l'événement qui m'attendait et malgré l'absence de l’accompagnatrice. Elle n'est jamais arrivée. Ce rendez-vous dont on fait tout un drame me laisse de glace, ce n'est rien. Il n'y a que l'aspect médical qui m'inquiétait, les risques liés à toute intervention sur le corps me tiennent loin des bistouris, m'assurant de ne jamais faire rectifier (quel mot inapproprié) mon nez ni augmenter mes seins! Alors, le retrait de cet ajout indésirable à ma personne ne me portait pas à des remises en question. Je ne voulais pas, et je n'aurais pas d'enfant à ce moment de ma vie où tout partait en cacahouète, fin du débat moral. Mais j'étais bien seule avec ça, comme je l'étais dans ma vie alors que je venais de me défaire du père présumé, un parfait imbécile et un être totalement dépourvu d'empathie. Je ne voulais ni ne veux plus avoir à faire avec lui, sous aucun prétexte.  On me

Dernière danse

Ses cheveux blancs ne la gênent pas, loin de là.  Elle les porte avec aplomb, élégance et détermination même avec la tête en bataille. Gare à celui qui osera la faire chier, il risque de se prendre une claque là et quand il s'y attendra le moins.   Pour elle, vieillir n'est pas triste ni difficile. C'est ce qui arrive quand on a bien vécu. Ou pas. Même ceux qui vivent mal y passent, alors...  Elle le vit à l'image d'une libération envers les obligations de l'âge adulte, ne plus avoir à plaire, ne plus avoir à se montrer intéressante, ne plus faire d'efforts pour ceci et cela.  Être, tout simplement.  Et c'est simplement génial!   Elle se prépare tout doucement pour la dernière danse et profite pleinement de ce temps sans contrainte.  Image par Dean Moriarty de Pixabay

Éveil

Une fois terminé avec ce besoin irrépressible, elle relève culotte et pantalon et tire la chasse d’eau.   Elle se tiraille un peu avec le loquet mal fixé et sort du cabinet. Se tournant vers le lavabo afin de se savonner les mains comme on le lui avait appris à l’école primaire, ses yeux s’agrandissent à la vue de l’espace qui apparaît dans le miroir fixé au mur devant elle. Rien à voir avec le lieu d’il y a à peine quelques minutes, même son reflet en est absent ! Elle a découvert un passage vers une autre dimension, un espace-temps outre-terre, sinon elle a bel et bien perdu la raison ! Dans le bleu profond d’un cosmos de pacotille, éclairé de lanternes chinoises en guise d’étoiles, une femme se tient, juste derrière elle. Elle est raide de hauteur et de maigreur, son teint est maladif, ses cheveux longs, légèrement bouclés sont échevelés, parsemés de brindilles et de feuilles mortes. Elle grimace d’un air fâché, rageur, toutes dents exposées, prédatrice sans scrupule. Sa robe,

Souper de filles

 Les femmes, toutes d'âge mûr, s'éparpillaient comme des libellules à la sortie des bureaux.  Certaines avaient pris l'habitude de se retrouver, les vendredis, pour dîner dans un restaurant local. Elles apportaient leurs bouteilles de vin et les verres se remplissaient et se vidaient à grande vitesse, pour oublier l'enui des semaines se répétant à l'infini.  Très vite, suivant leur taux d'alcoolémie grandissant, elles se détendaient enfin, leurs rires éclatant en trompettes, fusant en cascades. Les discussions allaient bon train jusque tard dans la nuit. Le serveur devait les faire sortir à grands coups de gueule, lui aussi riant de ces soirées où le vin était roi, où ces femmes étaient reines d'un royaume fictif, le restaurant du coin.  Image par StockSnap de Pixabay

Le Partage

  Tu te donnes Dès le début, c’est ton corps, devenu matière créatrice, pâte à sculpter l’autre,  Corps devenu tanière, grotte, atelier du peintre dans le noir Travail aveugle dans cet espace intérieur calfeutré,  petite chose lovée au plus secret, au plus profond dont tu n’as aucune idée Petite crevette, insecte suceur, se nourrissant de ta chair et ton sang Et ça perdure longtemps Quand tu lui donnes cette partie de toi Et ça te déchire pour mieux vivre respirer au grand air Afin que le monde entier témoigne de ton oeuvre grandiose, la vie Celle dont on ne fait plus aucun cas Dont tu n’es pas si certaine de vouloir te charger  C’est un partage de soi à sens unique tu la nourris à ton corps même encore pour longtemps, cette vie Si tu y crois, si tu as ce temps  Siphons sur des mamelles finalement asexuées, nourricières simplement Comme il se doit C’est de ton corps en partage dont il est question Territoire colonisé désormais à jamais, ou du moins pour longtemps assujeti aux besoins d

La dot de Sara / Yon eritaj pour Sara - Une dynamique en mutation

J'ai quelquefois indiqué que je n'écris pas beaucoup ici parce que les cours en Études littéraires me tiennent très occupée. Cet automne, ce furent deux travaux de belle envergure qui m'ont captivé. L'un d'eux, pour le cours Approches féministe des textes littéraires, vient de m'être remis et j'en suis très fière. J'ai donc décidé de le présenter ici, malgré une longueur respectable, peu habituelle sur ce blogue. L'analyse porte sur le roman La dot se Sara / Yon eritaj pou Sara, de Marie-Célie Agnant, œuvre traduite en plusieurs langues. L'auteure québécoise d'origine haïtienne aborde dans ses textes des thèmes tels que la mémoire, la condition des femmes, le racisme, la solitude de l'exil. Pour le titre choisi, ce sera naturellement la condition féminine qui sera étudiée.   LA DOT DE SARA / YON ERITAJ POU SARA UNE DYNAMIQUE EN MUTATION La dot de Sara [1] est un roman né d’une enquête sociologique dont un volet est dédi