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Messages

Affichage des messages portant l'étiquette microfiction

Writever 10 - Durée

  La porte s’ouvre enfin par la force des coups. La nature s’invite et pas question de lui refuser l’entrée, vide de son sang ou pas. Tout d’abord se présente un renard, pas que roux, mais roussi, puis une chouette avec le bout des ailes calcinées, un faon esseulé à la mère introuvable, des branches cassées et dénudées, des marguerites effeuillées, des marmottes affolées, un porc-épic échevelé, en état de choc. Tous, ils ont une chose en commun. Ils sont venus en contact avec le chasseur et n’ont qu’une chose à en dire : la durée de son règne arrive à sa fin et c'est tant mieux   ! Passons à autre chose, sinon, il nous tuera tous   !

Writever 9 - Urgent

  Tout ce sang! Ava, peu portée à la panique, s’empresse de récupérer le précieux liquide. C’est urgent, elle doit faire vite.  Certaines shammanes utilisent le sang pour y faire mariner leurs fétiches. Ceux-ci absorberaient la vie qui circule encore dans le précieux liquide. Même une fois séché, ce beau liquide rouge vif tourné en poudre d’un brun roussi est utilisé en cuisine rituelle pour partager un peu de soi avec les convives.  Aucun tabou n’entoure le sang, au contraire, il est le bienvenu. Il est la vie et, comme l’eau des fleuves, il circule dans le corps, irriguant les parties les plus éloignée du coeur.  Pas question de reléguer les femmes menstruées au fond de quelconques oubliettes.  Elles seront prises en charge par les autres, soulagées de leurs taches pour ces quelques jours. Elle seront nourries, massées, parfumées, confortablement vêtues.  Et tout le monde leur foutra la paix le temps que leur corps complète cette mise à jour mensuelle. Et on frappe toujours à la port

Writever 8 - Anticiper

  Depuis que Demain est devenu Hier, Ava le regarde différemment. Pour elle, toute tendue vers l’avenir, le passé qui s’éloigne irrémédiablement est effrayant. Elle anticipe l’oubli qui finit toujours par apparaître, suivi de la disparition de ce qui existe dans le maintenant. Il y a toujours le souvenir, mais elle est trop jeune pour vivre avec des fantômes. Hier n’est plus déjà, elle le laisse aller, s’en défait comme d’une vieille peau usée. Pas de tristesse bien au contraire, elle se réjouit de ce qui fut, sourit intérieurement au bonheur connu, rosit à la pensée des plaisirs ressentis. Hier est chose du passé, un parfum envolé, une couleur délavée. Ava l’oublie déjà, fatalement. Sa production de gri-gri s’agrandit de jour en jour, elle sera bientôt prête pour la grande rencontre annuelle des femmes savantes où elle présentera sa nouvelle collection. La forêt et Demain, quand il n’était pas encore hier, ont été généreux en fournissant des matériaux variés et inédit.  Uun coup à la

Writever 7- Mois

  Demain, au jour dit, vit donc le jour commencer par cette union mystique entre Ava et son entité. La forêt s’en trouva quelque peu décoiffée, des feuilles tombèrent, des plumes volèrent et toutes les bêtes en furent quite pour une bonne frousse. Que de bruit, que de fureur, que de violence! Et ils appellent ça faire l’amour? Mais ce fut une cérémonie d’anniversaire très réussie, mémorable pour tous, qui prit place sur un mois complet, un mois fictif, bien entendu, rien à voir avec ce mois de calendrier que nous respectons ici, dans le monde “réel”. Je sais, je sais, il est tout aussi fictif, mais c’est une autre histoire. Laissons donc les tourteraux revenir à leur sens des convenances avant d’aller plus loin.   Allez, retrouvez vos vêtements, rajustez vos coiffures, rendez vous présentables… nous attendons… 

Writever 6 - Minute

 Une minute. Ce fut tout le temps nécessaire à Demain pour s’installer dans le cœur et l’esprit d’Ava. Ils étaient comme de vieux amis qui se revoient après une très longue absence. Leurs corps se reconnurent d’un temps d’avant très éloigné du présent, différent dans sa forme et son contenu. Cette temporalité qui nous occupe ici est composée d’années, de mois, de jours, d’heures, de minutes, de secondes. Le temps d’avant n’avait rien de tout ça. Il ne se calculait pas, on ne pouvait l’additionner, le diviser, ni le perdre ou le gagner. Il était et c’est tout.  Ava dirige Demain. elle l'amène vers le ruisseau bordé de fougères. Le temps semble s’arrêter, c'est l'heure  de vérité.

Writever 5 - Demain

  Insomnie d’excitation, ça arrive parfois. En effet, c’est toujours par un système nerveux surstimulé et non pas par la perte du sommeil que s’amène l’insomnie.  À l’orée de la forêt, Ava marche, résignée à tirer parti de sa fébrilité. Sous les branches protectrices, elle retrouve un état plus calme, seule mais en compagnie des bêtes nocturnes, habituellement cachées aux regards des autres humains. Elle s’enfonce un peu plus loin sur le sentier, apaisée par les odeurs humides du sous-bois.  Des murmures montent autour d’elle, des voix chuchotent “Demain arrive, arrive demain”. C’est bientôt un concert a capella, un mantra, une prière, les chants se répondant, se chevauchant en kanōn , polyphonie circulaire, contrepoints stricts à intervalles réguliers lancés vers la voûte céleste. Mais quelques instants plus tard, les tonalités s’étiolent, les voix perdent de leur puissance et se taisent lentement, l’une après l’autre. Leur émerveillement transpire dans le silence. Ce fut si court qu’

Writever 4 - Perdre

  Un peu de remplissage... plutôt un petit passage à vide. Parce que la journée passe vite et que je dois me transporter à l'université par cette belle tempête printanière...     La nuit est bel et bien tombée sur la petite maison isolée. Ava n’arrive pas à trouver le sommeil. L’idée de l’anniversaire si proche la tient en éveil, dans un état d’excitation incompréhensible. Elle se lève et sort dans le jardin sous le clair de lune. Une petite brume s’installe sur la forêt. Les chauves-souris vrillent l’obscurité et les papillons de nuit s’amènent vers la lueur filtrant par la porte entrouverte. Quel manque de chance, vraiment, de perdre le sommeil la nuit juste avant un si grand jour… une vraie perte de temps, demain sera difficile.

Writever 3 - Calendrier

L’écran de son cellulaire s’illumine soudain, la rappelant au présent. Son calendrier l’avise que le lendemain est une date importante, à ne pas oublier. C’est l’anniversaire de son entrée dans le cercle secret et magique des faiseuses de miraculaires, de gris-gris, de fétiches. Ce sont les femmes de ce cercle de presque-fées pas tout à fait sorcières qui m'ont appris, il y a longtemps, la manipulation des objets et produits servant aux rituels, les sacres et incantations nécessaires à leur purification, les recettes occultes et autres mixtures sibyllines et, élément encore plus important, la juste manière d'insuffler dans le "tout" l’esprit nécessaire, garantie de son efficacité. Demain, à la nuit tombée, je célébrerais mon intronisation dans le monde des protectrices, guérisseuses, faiseuses d’anges, sages-femmes et harpies. Je fêterai ce jour béni toute seule, au milieu de la forêt… ou peut-être même au fond de mon lit, ça n’a pas vraiment d’importance. Ce qui

Writever 2 - Nostalgie

Le soir descend sur la maison au bout du chemin. Les ombres bleues des grands pins, des érables et des bouleaux s’étirent dans le ciel et sur la terre. Leurs branches fines couvrent les fenêtres d’une dentelle de reflets de lune. Comme je suis esseulée et vulnérable. Une nostalgie lui monte au visage, embuant ses lunettes, rosissant ses joues. Jeune fille, je n’avais aucun besoin de ces amulettes. Ces objets me semblaient alors relever d’antiques croyances partagées par les vieux, des contes pour calmer leurs craintes et rapiécer les vestiges de leur foi défaillante. Ma foi était alors vivante, vibrante, entière!  Toute à ses pensées, elle range ses trésors avec grand soin.  C’est une rencontre fortuite avec un charmeur d’escargots qui l’amena à s’intéresser aux effets sortilèges de ces œuvres oubliées du monde de l’art. Relégués dans le patrimoine religieux, la religion elle-même reléguée aux oubliettes, à part les vieux à l’article de la mort, personne ne démontrait plus aucun

Là où les rubans disparaissent

       TW - Là où il est question d'agression   Image par Juanita de Paola de Pixabay   Montréal ouvrier, fin des années soixante. Des nuages poussiéreux saluent mes pas pressés. Quelques rares brins d’herbe s’attachent à mes semelles. Mille pieds carrés de mottes de terre séchées sous le soleil déjà trop lourd de ce jour de juillet. J’ai hâte de retrouver mes amis dans ce fond de cour mal entretenue, royaume dans lequel je suis admise de plus en plus souvent. Cette cour, c’est un écosystème changeant d’hôtes selon les déménagements, vivotant au gré des embauches et du chômage.    La lumière de l’astre m’aveugle, trop blanche, trop chaude. Mes doigts potelés, collants de bonbons fondus mêlés de sueur, remontent le bas blanc, glissé sur ma peau bronzée. Des traînées rose limette s’y étalent, la rendant vivante enfin, barbouillée d’une joie innocente, de la même couleur que les rubans qui retiennent mes cheveux.. Moment magique.  Heureuse, je tourne sur moi-même.   Liberté soudain