Passer au contenu principal

Douze ans et des poussières


Ce texte est légèrement inspiré de ma lecture du roman d'Ismaël Kadaré, "Avril brisé" racontant la loi du Kanun  ayant cours en Albanie. Un livre étonnant, dérangeant, un incontournable. 

J'ai produit ceci dans le cadre de Writever de janvier 2024 - Tournoi

Les douze garçons se tiennent au milieu du parc. Assis, jambes croisées, sur la terre durcie, ils forment un cercle serré. Certains portent des pantalons trop longs, rapiécés aux genoux, d'autres des culottes courtes et de longs bas de laine malgré le mordant du vent de janvier. L'air frais rougit leurs joues sales et dresse leurs cheveux en épis. On ne connaît ni l'année ni le lieu, mais ils ont tous douze ans depuis au moins six mois.

 Ils sont là depuis un moment, dans la grisaille du jour. Avec un rythme régulier, toutes les vingt minutes ou presque, un des enfants se lève et quitte non seulement le cercle, mais le parc.  Il marche, la tête basse, les mains dans les poches, l'air abattu. Arrivé au bout du sentier, là où la rivière bouillonne et gronde, il se jette dedans, tête première, comme le Livre des Élus le prescrit: "Celui qui perd toutes ses billes au tournoi des douze de douze ans doit visiter la rivière au péril de sa vie". Certains d'entre eux, le tiers environ, réapparaîtront plus loin, portés par un courant sympathique. Les autres ne seront jamais revus, coulés à pic dans les ténèbres houleuses. Le cercle se resserre, l'espace vide rapidement rempli par le rapprochement des enfants restants.

 Le tournoi va bon train, plus que trois participants se disputent l'immense amas de billes trônant devant eux. Celui qui remportera la donne sera l'alpha. Il aura tous les droits jusqu'au prochain tournoi, dont celui de prendre avantage des survivants, de quelque manière que ce soit, jusqu'à son remplacement lors du prochain tournoi, qu'il organisera, dans un an.  Il conservera cependant les devoirs dont héritent tous les gagnants de ce tournoi, une fois la première année passée,  celui de voir au bon fonctionnement de la cité pour le reste de sa vie. 

Image par günter de Pixabay





 


Commentaires

Publier un commentaire