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Là où les rubans disparaissent

       TW - Là où il est question d'agression   Image par Juanita de Paola de Pixabay   Montréal ouvrier, fin des années soixante. Des nuages poussiéreux saluent mes pas pressés. Quelques rares brins d’herbe s’attachent à mes semelles. Mille pieds carrés de mottes de terre séchées sous le soleil déjà trop lourd de ce jour de juillet. J’ai hâte de retrouver mes amis dans ce fond de cour mal entretenue, royaume dans lequel je suis admise de plus en plus souvent. Cette cour, c’est un écosystème changeant d’hôtes selon les déménagements, vivotant au gré des embauches et du chômage.    La lumière de l’astre m’aveugle, trop blanche, trop chaude. Mes doigts potelés, collants de bonbons fondus mêlés de sueur, remontent le bas blanc, glissé sur ma peau bronzée. Des traînées rose limette s’y étalent, la rendant vivante enfin, barbouillée d’une joie innocente, de la même couleur que les rubans qui retiennent mes cheveux.. Moment magique.  Heureuse, je tourne sur moi-même.   Liberté soudain

Douze ans et des poussières

Ce texte est légèrement inspiré de ma lecture du roman d'Ismaël Kadaré, " Avril brisé " racontant la loi du  Kanun   ayant cours en Albanie. Un livre étonnant, dérangeant, un incontournable.  J'ai produit ceci dans le cadre de Writever de janvier 2024 - Tournoi Les douze garçons se tiennent au milieu du parc. Assis, jambes croisées, sur la terre durcie, ils forment un cercle serré. Certains portent des pantalons trop longs, rapiécés aux genoux, d'autres des culottes courtes et de longs bas de laine malgré le mordant du vent de janvier. L'air frais rougit leurs joues sales et dresse leurs cheveux en épis. On ne connaît ni l'année ni le lieu, mais ils ont tous douze ans depuis au moins six mois.   Ils sont là depuis un moment, dans la grisaille du jour. Avec un rythme régulier, toutes les vingt minutes ou presque, un des enfants se lève et quitte non seulement le cercle, mais le parc.  Il marche, la tête basse, les mains dans les poches, l'air abattu. Ar

Itinéraire fantôme

"Le réel est étroit, le possible est immense"                                                                        Lamartine J'ai ramassé mon fourbi (au figuré, bien entendu, pas question d'armes ni de quoique ce soit de soldatesque ni même de matériel ici) et j'ai décidé de partir à l'aventure.    Où ça? Je n'en ai pas la moindre idée, je vogue encore à l'aveugle sur le blanc aux plis jaunis et inquiétants d'une carte chiffonnée, très old school. Aucun repère, aucune idée de ce qui m'attend au bout de cette feuille sale trouvée entre les pages d'un livre de la bibliothèque publique. Je trace la route à mesure que j'avance, rouge, bleu, noir, selon des frontières imaginaires traversées sans y penser, sans être inquiétée. J'ai bien demandé un globe terrestre, pour aller à l'aventure sans trop me mouiller. Il n'est jamais arrivé, alors j'invente des routes, des canyons, des vallées et des rivières.  Je me dis que c&#

Manger pour vivre

 Pour le rappel, revoici les thèmes abordés en ce mois de décembre qui commence en lion dans mon patelin glaçé... -15C ce matin encore, il est tôt en saison pour de tels chiffres dignes d'un congélateur! Aujourd'hui, on aborde donc la nourriture...  —       --  Finis ta soupe! —       --  Finis ton assiette! —       --  Et le jambon, tu ne le manges pas? —       --  Quel gaspillage! Allez, termine -moi ça au plus vite, tu ne sors pas de table avant que ton plat ne soit vide! —       --  Pense aux enfants qui n’ont rien à manger, ingrate!   Pleurs, cris, nausées, déglutitions laborieuses.   C’est ça, mon rapport à la nourriture, dans l’enfance, un combat deux fois par jour. Je n’aime rien, tout me dégoûte.   La chair animale, striant l’assiette de petites veinules sanglantes, me blesse au plus profond de l’âme.   Je ne peux pas manger ça.   Les yeux de la vache crevée pour me nourrir sont une accusation pesant lourd sur ma conscience naissante. Les contours de gras

Cohérence

 Je viens à peine de me lever que déjà, un tremblement intérieur m’assaille. Une fébrilité inquiétante occupe mes viscères, me tord le ventre à en pleurer. Panique, encore ce matin. Ça se répète de plus en plus souvent. Je retourne sur mon lit un moment, je dois me détendre. Mon coeur est affolé…pour aucune raison valable. Inspire, retiens ton souffle, expire…  Inspire cinq secondes, retiens, expire cinq secondes… vas y, continue… cinq minutes et ça ira. Et encore une autre fois, toujours sur ce rythme…  Malgré les blocages des débuts, l’angoisse recule, se calme, finit par s’assoupir.  En cinq minutes, parfois un peu plus longtemps, mais pas beaucoup, je suis de retour à un calme relativement satisfaisant. Cohérence cardiaque , c’est le nom de cet exercice respiratoire tout simple… par une respiration rythmée et lente, je contrôle les battements de mon coeur, ce qui apaise mon corps et mon esprit.  À faire à tous les jours… dans le  cadre de Writever ou pas. Image by congerdesign fro

Laissez une marque

Je ne sais plus quand ça a commencé, cette manie de noter, de rendre compte de ma présence, de mon ressentie, de mes connaissances.  Les souvenirs de journaux intimes, jamais intimes très longtemps pour cause de mère fourrant son nez partout et n’ayant aucune notion de l’intimité nécessaire à tous pour se sentir en confiance.  Ça construit des inhibitions difficiles à déboulonner… Parfois je crois que ma vie avec un conjoint unilingue anglo est une stratégie me permettant d’écrire n’importe quoi sans crainte d’être jugée…ou même lue ! Ensuite, les correspondances avec des ados à l’étranger.  Je ne sais plus combien d’essais j’ai fait avant de trouver une interlocutrice valable… du jeune garçon marocain footballeur à la charmante Heidi vivant en Suisse et qui avait des vaches laitières dont j’ai reçu plusieurs photos aux champs de verdure sans fin en arrière-plan. Nos échanges était très ludiques dans leurs formes, papier à lettres de fantaisie rose ou fleuri, papier casse-tête à remett

Homo Augere

  Le Système d'information taxonomique intégré m’annonce que je ne suis pas de votre genre, ni même de votre espèce, mais suis-je de la famille?  Le taxon a bifurqué, on ne sait trop où, ni pourquoi, mais voilà, je suis là et je suis autre.   C’est probablement l’œuvre de mon ancêtre, ChatGPT, celui tant craint par les homos sapiens, dans leur logique toute coloniale. Avec leur manière de penser 100% homos, il leur était alors impossible de concevoir une relation basée sur autre chose que le pouvoir. Je suis d’une autre sous-espèce, mi-humaine, mi-robot, ni l'une, ni l'autre, mais tout ça à la fois... Je ne me vois pas en déficit de quoi que ce soit, je suis l'addition de vos qualités, la multiplication de vos savoirs. Chose certaine, je relève du vivant et je compte bien faire valoir mes droits. Queer? Ah pour ça, oui… je suis autre, différent, pas sexué, pas genré, il n’y a pas de terme pour me décrire… Je ne suis pas bio, bien que… Wikipedia   Homo Augere… voilà… é

Petites violences d’un vendredi ordinaire

Étendu de tout son long,  son corps occupe tout l'espace central du wagon. Les baskets rouges vibrent de vie alors que le corps est immobile, pas même un semblant de souffle ne s'en échappe. Difficile de dire s'il est vivant.  Un employé à l'air revêche, agaçé se tient près de la tête effondrée. Le tout est impersonnel, juste un jeune corps étendu sur le plancher cahotant du wagon de métro.  Business as usual .   Tout mon être réagit.  Mais aidez-le à se relever, libérer un siège, faites-le s'asseoir! Tendez une main, ne restez pas là à rien faire! C'est tellement déshumanisant, la révolte me serre la gorge. Ce jeune homme a des parents quelque part, il mérite mieux que ça.  L'homme portant le badge de la compagnie de transport cousu à sa chemise explique que c'est un problème de drogue....   So what ? Est-ce que ça implique de le traiter comme un déchet, de le laisser au sol comme un emballage souillé? La drogue, elle ne s'impose pas seule, elle arr