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Droit de parole...

— Non, madame, vous ne pouvez pas entrer ici.

 Et pourquoi ça?  On m'a bien dit que tout se passait au parlement... C'est bien ici, n'est-ce pas? Ce petit château sur la colline, là où se décident ma vie et celles des autres citoyens...

 — Oui, c'est ici, mais non, vous n'avez pas accès pour le moment. Les heures de visite sont indiquées à l'entrée.

 — Je ne comprends pas... Des heures de visite pour faire valoir mes droits? Ces hommes, car ce sont, pour la grande majorité, des hommes... qui siègent ici parlent en mon nom. Comment peuvent-ils faire une telle chose s'ils ne me rencontrent pas? Je tiens absolument à leur dire ma manière de penser, je veux qu'ils sachent que leurs dernières trouvailles ne me plaît pas du tout, mais là pas du tout. Ils doivent m'entendre et faire en sorte que les décisions se prennent selon ma volonté et non pas celles des investisseurs, hommes d'affaires, consortium et autres corporatistes! Nos besoins ne sont pas les mêmes et je dois avoir quand même une certaine influence dans les résolutions importantes qui sont prises ici! Après tout, c'est le peuple qui vote, pas les business!

 — Ah bon... c'est ce qu'on vous a fait croire? Que vous aviez un droit de parole, une oreille attentive où l'y déverser et des droits de regard sur les décisions à prendre, déjà prises ou encore simplement rêvées?  Laissez-moi vous détromper, ma p'tite dame! Ces gens ici dedans, ils sont là pour eux-mêmes et pour leurs frères d'armes et je ne parle pas de canons, non non non, je parle de sous, de très gros sous... rien à voir avec votre pension, vos économies et votre bas de laine, que nenni! Il y a bien quelques joyeux rêveurs dans le lot, quelques-uns qui croient encore au Père Noël, à l'indulgence divine et autres contes de fées, mais la majorité n'y voit que son profit, à court ou long terme. C'est tout ce qui compte, allons!

 —  Ah, mais, dites donc... il est grand temps que ce peuple se réveille et prenne en main sa destinée! Le monde entier crie pour une Bastille 2! Vivement un grand ménage... Dehors cette engeance de profiteurs! Qu'on revampe la Commune et qu'on recommence à neuf...Je ne vois rien d'autre à faire!

 Dès ces mots prononcés, la petite vieille se trouve encadrée par deux armoires à glace au faciès aussi rébarbatif que leur poigne est ferme.  On l'amène sans un mot, pas une explication, et on la jette dans une oubliette, avec les autres, ces quelques âmes pures tournées en os fracassés, qui ont osé rêver à des jours meilleurs... On n’en a plus jamais entendu parler, et les gardes attendent déjà le suivant. Au rythme où vont les choses, celui-ci ne saurait tarder!


Photo by kj.fotoart from PxHere




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