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Le soufflet de l'étrangère

 

Dans ce lieu que je ne connais pas, j'ai peur. Des inconnus m'abordent, me détaillent sans aucune gêne, me donnent l'impression d'être une pièce de viande sur un étal. Je ne suis qu'installée très précairement sur un tabouret instable devant une bière, mes coudes bien collés à un bar de bois blond, rien de bien affriolant. Je les ignore, tous, ne les regarde pas directement. La musique tonitruante m'agresse, les rythmes me sont mystérieux, je ne me fais pas à ces sonorités, ces aiguës et ces basses inattendues. Je ne sais pas trop ce que je fais ici. Ce monde m'est inconnu, les êtres qui m'entourent sont de partout ailleurs, mais c'est moi, l'étrangère.

Du coin de l'œil, j'observe ce gars avec qui je suis venue ici. Déjà, il m'a oublié dans ce coin sombre pour concentrer ses efforts de séduction sur une jolie petite chose perdue ici-bas, tout comme moi. Je vois l'œil de l'homme se faire tendre, velouté, sa bouche murmure des phrases que j'ai entendues il n'y a pas si longtemps. Ce modus operandi est rodé à la perfection, la belle fond dans ses bras, déjà.

D'un seul mouvement, je me dégage du haut tabouret. J'en ai assez, je quitte. Je n'ai pas envie d'être témoin de ma propre chute. Qu'on me remplace, ça va, mais pas devant moi, c'est trop demander.

Je me dirige vers la sortie, d'un pas que j'espère très digne. Je me sens retenue. Il est déjà là, à tenir mon bras, refusant mon départ. Je m'étais promis de ne pas faire de scène, mais voilà, on me cherche, on me trouvera.

Mon aile se tend et le soufflette bien malgré moi.

On aura beau vanter la douceur des plumes, ça laisse tout de même un beau dommage sur son visage surpris... nez cassé, dents branlantes... Ça t'apprendra à faire chier les anges, couillon!

Image par StockSnap de Pixabay

 

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