Passer au contenu principal

Voyage de nuit (27 septembre)

Ah bon? J'ai écrit que je n'ai dormi que d'un oeil?? Ça m'étonne!  Si j'ai vraiment dormi, ce fut les deux yeux grands ouverts, à attendre le moment de reprendre la route.  Ça n'a pas tardé, le départ pour Jacmel étant fixé à 4 heures, tellement tôt que c'est encore nuit noire quand je mets le nez dehors.  Dans mon idée, le soleil devait se pointer autour de 5 heures, mais non, il faudra encore plusieurs heures pour qu'enfin le jour se fasse.

Rouler dans les rues de Port-au-Prince la nuit est cauchemardesque.  Heureusement que Gogo connait la ville par coeur, je crois même qu'il pourrait la traverser en voiture les yeux fermés.  Il connait tous les trous, les dos-d'âne, les crevasses et les tas de briques qui parsèment notre parcours.

Impression de film d'horreur, genre Resident Evil.  Nuit noire, très peu d'éclairage, aucun signe de vie nulle part, à part nous, trois âmes perdues dans cette ville abandonnée.  Quel contraste avec la frénésie que j'y ai vu seulement quelques heures plus tôt!  Mais où vont-ils tous, une fois la nuit tombée?

Nous sortons de la ville pour prendre une route encore plus noire.  Je suis étrangement calme, je m'étonne moi-même.  Mais m'affoler pour un peu de ténèbre n'y aurait vraiment rien changé.  Je me découvre une faculté d'adaption que je croyais avoir perdu, après tant d'années à vivre comme une princesse au petit pois, ou alors, ce n'est que de la résignation devant ce que je ne peux contrôler.

Nous roulons longtemps.  Des tas d'ordures brûlent au bord du chemin, feux éphémères rendant le paysage encore plus apocalyptique.  Et puis, tout à coup, la circulation enfle, des voitures et des camions se mettent en branle de partout et nous nous retrouvons à dépasser ou à nous faire dépasser continuellement.  La conduite automobile, dans ce pays me parait plus que dangereuse, c'est la loi de la jungle, le plus audacieux passe ou casse.  Et de la casse, il y en a.

Juste devant nous, sur la voie inverse, deux camions se sont emboutis.  Des cris, des pleurs...  Marie demande à Gogo de s'arrêter.  Plusieurs voitures s'arrêtent aussi.  Le conducteur du camion le plus près de nous tente de sortir de son habitacle, extirpant à sa suite une femme blessée.  Il la dépose sur le coté opposé de la route et quelques secondes plus tard, Marie et Gogo sont avec elle, tentant de comprendre ce qui la fait souffrir.  Je suis seule dans la voiture, je ne comprends pas un mot de ce qui se dit tout autour, les gens parlent entre eux très vite, la femme geint.  Je suis tellement inutile, je ne peux pas même offrir quelque réconfort.  Le conducteur du camion et Gogo transportent la blessée dans notre voiture et Marie s'évertue à  joindre sa famille par téléphone.  Nous l'emmenons à l'hôpital de Médecins Sans Frontière, dans un coin qui, je crois, s'appelle Léogane (on me corrigera si je me trompe).

Foule devant l'hôpital.  Je crois qu'ils attendent pour y être reçus,  mais non, ce sont des vendeurs d'eau, de bananes, d'oeufs durs.  La voiture entre dans l'enceinte gardée et notre blessée est accueillie très rapidement.  Nous reprenons la route, sous un ciel un peu plus clair.

Très rapidement, le paysage change, nous sommes dans les montagnes où nous roulerons un très long moment.  Marie disparait.  Elle dort, alors que moi, je profite de la vue impressionnante des falaises, des vallées, de la route toute en courbes, en coudes, en épingles et pire encore.  Dire que je suis rassurée et sereine serait une très grande exagération.  Je me perçois comme un grain de sable, une feuille lâchée au gré des éléments.  La radio papote à qui mieux mieux, dans un langage dont je ne comprends que quelques mots.



Nous rejoignons un village. Agitation palpitante dans le soleil, qui est enfin là.  Encore des voitures et des motos dans tous les sens, des gens qui circulent partout, sur le chemin et sur ses cotés.  Nous tournons encore, un petit chemin de terre et la grande barrière de bois s'ouvre enfin sur Piano-Piano.



Commentaires

  1. Tu as eu un sacré baptême pour ta première nuit. Toutes ces années ici et c'était pourtant la toute première fois que je tombais sur une blessée "live"...
    C'est drôle, me suis jamais rendu compte que tu capotais un peu. T'avais en effet l'air calme des grands habitués! ;-)

    RépondreEffacer
  2. Ça doit être parce que je suis habituée de capoter... Après un certain temps, ça devient un trait de personnalité et ça ne paraît même plus!! Ben non, je capotais pas, j'éais très loin de la panique, mais c'est certain que l'imaginaire s'emballe sur des routes comme ça, dans un environnement inhabituel. C'était thrillant!

    RépondreEffacer

Publier un commentaire