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C'est là qu'on en parle - L'arrivée (26 septembre)

De retour de ma semaine haitienne, donc je récapitule...

Aller en Haiti ne semble pas être un truc banal, du moins quand on y va comme touriste.  Déjà avant mon départ, la question qui revenait le plus souvent dans les conversations à ce sujet, fût: "Mais kessé tu t'en va faire là?"  Ben oui, tsé, kessé que je m'en va faire là?  Ça me fâchait jusqu'à un certain point, parce que c'est une question tellement significative de l'espace social qu'occupe Haiti dans l'imaginaire québécois,  Un lieu qui n'a rien à offrir, un monde d'outre-terre, d'outre-tombe, que l'on quitte pour n'y jamais revenir, ou si peu, et seulement parce qu'on y a laissé de la famille à qui on tient et dont on a un peu pitié.

Cette place de dernier de classe dans l'échelle des pays à visiter me troublait beaucoup.  Il n'y a jamais personne qui m'a demandé ce que j'allais faire en Angleterre, à Cuba, à Puerto Plata ou en Gaspésie... Et pourtant, on fait quoi  dans le Dorset ou à La Havane?  On regarde, on écoute, on tente de se remplir d'une ambiance, d'intégrer un tout petit peu un mode de vie, de toucher du bout de la pensée une culture différente.  C'est exactement ce que j'allais faire en Haiti, donc question qui pour moi, ne se posait même pas, mais qui s'est tout même imposée dès mon arrivée à l'aéroport de Montréal.  Aucun Blanc sur mon vol, rien que des Haitiens...  Alors, non, il n'y a pas de touriste en Haiti?  J'ai compris un peu plus tard que la majorité des Blancs en Haiti y sont dans le cadre de missions d'aide humanitaire ou par intérêts personnels: travail, paresse (ahah Mémé!!), et pour certains, parce qu'ils ont coupé les liens avec leur culture d'origine pour des raisons qui ne regardent qu'eux.

Ok..assez de blabla, on y va!

Une fois au sol,  la chaleur m'a tout de suite anéantie.  Je m'y attendais, bien sûr, mais malgré tout, c'est une surprise.  L'attente pour passer à l'Immigration est passablement longue, dans un bunker pas très grand, rempli à craquer, où l'on se retrouve après un court trajet en bus dans lequel le troupeau en provenance de Montréal a été catapulté dès sa  sortie de l'avion.  Je sue, beaucoup, tout le monde sue!  Heureusement, je n'avais aucun bagage enregistré, que mon sac à dos et mon sac de plage, çe qui m'a évité une attente de plusieurs heures devant un minuscule tapis roulant où s'agglutine une foule gesticulante et très bruyante.

Direction la sortie!!!  Yeah!! Non... pas vraiment.  Là, je ne sais combien de gars en chemises rouges m'attendaient de pied ferme, qui pour me proposer un taxi, qui pour me prendre mon sac à dos, qui pour je ne sais quoi encore.  Je dis non à tout, je n'ai besoin de rien ni de personne, je suis une grande fille, tassez-vous de mon chemin... Sauf que j'entend 'Someone is coming to get you? Want me to call?'  'Sure, here is the number, thank you!'.  Ça m'a coûté un gros 5$US, parce que je suis pas cheap, que je suis un peu nounoune, mais pas au point de balancer les 10 piastres que le gars me demandait, il y a des limites au ridicule!

Mémé au bout des ondes (on ne peut vraiment plus dire au bout du fil!!).  Ouff, elle y est, à la sortie du couloir à ciel ouvert menant au stationnement.  Je la reconnais au premier coup d'oeil, mince, nerveuse, les cheveux en bataille,  et terriblement bien avec les policiers qui entourent l'enceinte de l'aéroport!!  Vite, on dégage, il y a déjà un moment qu'elle est là, mon vol a eu du retard, je m'en doutais même pas!

Je m'installe dans la voiture de Gogo, l'ami haitien de Marie (un ange, je le jure!!!), coté passager et le temps de se dire bonjour, nous voilà sur la route, visite impromptue de Port-au-Prince.

Ce qu'ils doivent me trouver plate!! Je n'arrive pas à dire grand chose, je suis bouche bée, pour vrai!  Les rues qui tournent, montent et descendent, les chemins embourbés d'ordures, de blocs de ciment, des voitures dans tous les sens, des motos audacieuses se faufilant partout où elles le peuvent, des chiens errants... et des gens... partout, partout!!!  Des gens qui marchent dans les rues, qui vendent de l'eau dans des sachets de plastique, des fruits, des je-ne-sais-quoi, ils sont une multitude à vivre là, à slalommer entre la circulation et les déchets, les uns entre les autres, les uns sur les autres!!

Port Au Prince, Haiti (7664274188)


Je suis abasourdie par toute cette agitation, la saleté, le bruit, l'état de la ville, même si on sait, même si on a vue des images, même si tout le monde dit que rien de concret n'est entrepris depuis le tremblement de terre qui pourtant commence à dater, ou si peu, si peu.  Là, je le vois... et ça me fait triste, ça me fait peur, ça me fait ressentir toutes sortes d'émotions indéfinies, pas vraiment plaisantes, mais c'est une réalité, ce que je voie devant, derrière, partout autour de moi.  Et j'ai honte, de ma situation de voyeuse, de très bien savoir que voir n'y changera rien, de mon bien-être au quotidien.  Et même ça, ça ne veut rien dire, c'est une honte ponctuelle, qui se résorbera bien vite, une fois revenue chez moi, je le sais très bien.

La rue devant chez Gogo, c'est là qu'on a bu
nos premières bières
Une fois notre tour de ville terminé, direction chez Gogo.  Achat de la bière chez la voisine, qui a son commerce dans sa cour.  Ce qui me frappe, c'est d'entendre, venant de sa maison, la chaîne de télé TV5.  L'état des lieux fait oublier que là aussi, le progrès existe, radio, télé, cellulaires et Internet sont partout ou presque.  Et je rigole intérieurement, me rappelant une ligne qui revient souvent dans le dernier roman de Nancy Huston, "Infrarouge": 'Ce que c'est con, les touristes' ou à peu près, je la vie totalement, cette phrase, ce que je me sens conne!

Assises à la belle étoile, Marie et moi buvons nos bières en faisant connaissance.  Je ne sais pas pour elle, mais, je me sens bien, en confiance et l'ouverture se fait facilement.  Expériences différentes, avec des lignes de conduite qui s'entrecoupent, certaines similitudes dans les comportements, les réactions.  Je me sens rarement à l'aise avec les gens, je suis une sauvage finie, mais là ça va super bien.  Je ne ressens pas le besoin de justifier quoique ce soit dans ma personnalité, mon histoire, même si je ne le fais généralement pas, mais c'est confortable de ne pas ressentir chez l'autre la surprise ou l'incompréhension.

Dîner à Pétionville.  Il fait tellement nuit que je n'ai aucune idée d'où je suis.  Il semble que c'est un quartier 'privilégié'.  Gogo stationne la voiture et doit payer quelques jeunes pour surveiller.  Le resto est beau, blanc et bleu dans mon souvenir, mon repas est parfait, salade de poulet, je suis en guerre contre poissons et crustacés, ça me facilite la vie partout où je vais!! ;-(

Je n'ai aucun souvenir du retour, je suis fatiguée, totalement chamboulée.  Je m'écroule sur le lit toute habillée et ne dors que d'un oeil, mais je dors tout de même.

Commentaires

  1. Bonjour Johanne,

    Je me suis reconnue quand j'ai lu «Je n'ai aucun souvenir du retour, je suis fatiguée, totalement chamboulée».

    Moi aussi j'ai été touriste en Haïti (avec en plus, de la belle-famille à visiter). Notre arrivée à l'aéroport s'est bien déroulée, je m'attendais au pire, j'étais préparée.

    Nous avons fait la route PAP-Les Cayes (environ 5h de route sinueuse). Bizzarement, c'est en arrivant là que j'ai eu une crise de panique et non dans la Capitale, où il y a vraiment lieu d'être en choc !
    Faut dire que j'étais avec une enfant d'un an, ma fille, et que ca a été une longue journée. Moi non plus, je n'ai pas eu beaucoup de jasette en traversant la ville. J'enmagasinait les toutes ces images dans ma tête. Le long trajet, la fatigue, la tombée de la nuit et le manque d'indications routières (mon conjoint conduisait et on avait un guide) m'ont fait faire une petite crise d'angoisse en arrivant à destination !

    Une quinzaine de minutes et une bonne soupe maison m'a remise sur pied, mais disons qu'en Haïti, faut être prêt à vivre toute sorte de chocs.

    Malgré cet épisode, j'ai adoré mon voyage et j'y retournerai !

    Emilie :)

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  2. C'est effectivement un choc, je sais pas comment dire meux! Je n'ai pas paniqué, mais j'étais vraiment sur le cul!!
    Je me serais pas vu voyager avec un bébé par contre... Ça, c'est vraiment au-desus de mes forces..;-)

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