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Toute une vie

Vous êtes avertis, ce billet traite de chats.  Si ça vous hérisse le restant de poil, ben raccrochez immédiatement.



Oui, je parle de chats, en fait d'une chatte:  ma vieille Noukie, née dans le fond de ma garde-robe par une journée pluvieuse de l'automne 1996, d'une mère de ruelle qu'on aurait dite peinte au rouleau et d'un père tout ce qu'il y a d'inconnu.  On le suppose beau matou à longs poils, puisque Noukie, la plus feluette, sa soeur et son frère, les gros gras, avaient tous une fourrure à faire blêmir d'envie leur pauvre p'tite-mère au pelage ras comme une gazon de terrain de golf.  Pour faire une histoire courte, tout ce beau monde vécu chez moi, dans mon petit 4 1/2 de l'époque, jusqu'à ce que, quelques mois après la naissance de ma fille, cette gentille tribu développa une habitude quotidienne très désagréable, celle de faire pipi devant ma porte de chambre tous les jours, fériés ou non.  Après un long moment de ce traitement, ma patience, qui est on ne peut plus extensible, se brisa net et trois des malfaisants furent donnés pour adoption, malgré qu'on puisse entretenir des doute sur les intentions réelles du lieu où ils furent laissés, mais ça, vaut mieux ne pas trop y penser.

Noukie seule resta.  Elle a toujours eu le chic pour s'éviter les événements désagréables inhérents à la vie de chat des villes.  Lors du rendez-vous pris pour le dégriffage en règle de tout ce beau monde quand nous emménageammes en condo, elle s'est tout bonnement éclipsée, volatilisée. Alors que sa famille souffrait le martyr, Noukie était en expédition, sur les routes de l'Aventure, à quelques pas de son nouveau domicile, pratiquement sous nos yeux, mais toujours invisible.  Son voyage dura six longs mois, et ce n'est que par hasard que le mystère Noukie fut résolue.  Elle avait trouvé refuge au dernier étage d'un autre bâtiment pour condo encore en construction, juste au fond du terrain, nourrie et entretenue par les gars qui y travaillaient.

Une fois cette peste de bestiole rapatriée dans nos murs, plus question pour elle de se vautrer sur les tapis, oh que non!! Elle avait goûté à la liberté, et n'avait de cesse de la retrouver, sachant désormais comment rejoindre son port d'attache et l'écuelle qui l'y attendait.

Donc, nous voilà, en 2003, avec une seule chatte coureuse de ruelle, et je pars pour Vancouver.  Pas question de confier mon petit monstre poilu à qui que soit, je l'emballe et l'emporte avec moi.  Ç'a dût être un vrai gag de nous voir passer la sécurité, ma fille de quatre ans terrorisée et en pleurs, et moi avec la chatte (enceinte, mais ça, je le savais pas) qui me grimpait le long du bras à grand coups de griffes dans une tentative effrenée pour échapper à une remise en cage immédiate, avion oblige.  Une fois à Vancouver, la chenapante n'eut d'autre idée en tête que de s'enfuir à nouveau, pour des balades sans fin le long de la Fraser, en compagnie d'une moufette qui se faisait un plaisir de la raccompagner à la maison, me donnant des sueurs froides, mais ça, ils s'en tapaient!

Retour à Montréal, et Noukie continue à se faufiler par la moindre ouverture en vue vers le dehors.  Un soir, elle nous revient couverte de cambouie!  La joie de lui donner un bain et de se faire lacérer les avant-bras, inoubliable!



Depuis que nous sommes venus habiter au bord de l'eau, Noukie passe ses soirées à chasser le mulot ou la couleuvre.  À tous les soirs, autour de 23 hres, comme une bonne fille, elle gratte à la porte afin qu'on la laisse entrer.  Mais plus depuis quelques années.  Noukie a développé de l'arthrite aux pattes arrières, probablement suite à un saut périlleux d'un peu trop haut causant une blessure interne.  Elle a de plus en plus de mal à courir et elle en prend son partie, demeurant dès lors sur le terrain, à se rouler au soleil et à mettre à mal le petit plant de 'catnip' à force d'en gruger les  pousses dès leur apparition.

Malgré son caractère de pétroleuse, Noukie est une chatte très affectueuse et pleine de compassion.  Je sais, ça l'air exagéré dit comme ça, mais Noukie sait à tout coup quand quelqu'un dans la maison feel pas fort.  Elle s'installe sur l'estomac du malade ou du déprimé et s'affaire à ramener la santé dans ce corps et cet esprit à coup de massage griffu.  Une vraie petite infirmière avec ses 'comfort pokes'.  Elle a eu beaucoup de travail avec moi, lors de mes années de folie et sincèrement, elle est vraiment le seul être vivant sur lequel j'ai pu compter pour être toujours présent, tout le temps, peu importe mon état d'esprit, mon degré de déconnection, mes errances émotionnelles ou mon taux d'alcoolémie.  Noukie est un phare qui me rappelle à la réalité et qui me tient chaud dans les moments de détresse.

Cet hiver fut particilièrement difficile, Noukie ne se déplaçant plus qu'avec notre aide pour monter à l'étage ou en descendre.  Sauter du lit devint impossible et bientôt, y monter le fût aussi.  Noukie, à 16 ans, dépendait de nous pour tous les déplacements autres que ceux au sol.  À la pension pour chats où nous l'avons laissé lors de nos vacances, la dame responsable nous signale que Noukie boit énormément et qu'elle fait aussi un usage immodéré de la litière.  Elle nous suggére de consulter, croyant ces symptômes reliés au diabète.  Et ce fut effectivement diagnostiqué, avec en prime un taux de calcium trop élevé, des problèmes aux reins et  une tumeur aux glandes parathyroïdes.  Nous suivons les conseils du vétérinaire, lui injectant de l'insuline quotidiennement, mais sans résultat positif et lui administrant de la morphine afin de soulager ses douleurs aux pattes, nous comprenons que Noukie vit ses dernières journées dans une grande souffrance. Au cours des deux dernières semaines, Noukie ne mangeait presque plus, ne bougeait que très difficilement, ses pattes ne la soutenant plus, une vraie pitié, et elle ne pouvait non plus contenir sa vessie.  Elle était donc confinée sur des carrés absorbants, semblant souffrir et totalement perdue, ne sachant où se diriger quand l'idée lui prenait de tenter de se mouvoir, ce qu'elle faisait avec beaucoup de difficultés.



J'ai donc pris la décision qui s'imposait, soit celle d'abréger ses souffrances, la fin n'étant plus loin de toute manière.  Après y voir pensé longtemps, parce que c'est une décision difficile, qui fait mal, qui rend triste, qui nous renvoit à notre propre fin et qui nous fait revisiter le temps écoulé, j'ai pris mon courage à bras le corps et j'ai demandé les services d'un vétérinaire à domicile par l'entremise de K911, histoire de ne pas stresser mon vieux chat encore une fois, histoire que ses derniers moments se passent dans un lieu connu, qu'elle soit entourée d'odeurs familières.  La jeune femme qui est venue fut vraiment sympathique et patiente, très attentionnée et Noukie nous a quitté entourée d'amour, tout doucement, en paix.

Wayne, un des fondateurs de K911 et son collègue ont amené le corps de Noukie afin qu'il soit crématorié et non pas transformé en farine pour des fins alimentaires.  Non, je ne recevrais pas les cendres, mais elles seront dispersées dans un jardin près du crématorium.  Je sais que ma vieille Noukie aurait apprécié cette dernière liberté dans la nature, au gré du vent.

Pis oui, j'ai des larmes plein les yeux et le coeur gros...

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